samedi 16 janvier 2010

Meutre à La Grassonnière du Tablier (1782)

   Le 24 juin 1782, est inhumé au Tablier, sur réquisition du sénéchal du lieu, un homme reconnu comme étant SELIN (ou CELIN), farinier à Chaillé sous les Ormeaux. Assistent à son enterrement, Pierre PILET, du village de La Grassonnière, du Tablier, et Pierre GUILLET, journalier au bourg du Tablier.
   Si l’on ne possédait que son acte de sépulture, on pourrait penser que le défunt, de passage au Tablier, y était « mort et enterré », mais on pourrait aussi se poser la question de savoir pourquoi l’inhumation n’a pas été faite à Chaillé, en présence de membres de sa famille. Heureusement d’autres documents nous en disent un peu plus sur une tragique histoire qui a eu lieu près de La Grassonnière et qui fut connue de tous les habitants des alentours, petits et grands.
   En effet, le 22 juin 1782, comme le lui avait demandé BILLAUD, métayer à La Grassonnière, Catherine dit Catot DOUSSAIN (ou DOUSSIN), âgée d’environ 11 ans (° vers 1771), fille de Nicolas DOUSSAIN, maçon au même lieu, était partie « après le levé du soleil » conduire ses brebis, du village à une pièce de terre assez proche, dite « La Boulineau » où elle devait les parquer. Elle était accompagnée d’une autre enfant de La Grassonnière, Marie MARTINEAU, âgée d’environ 15 ans (° vers 1767), fille de Pierre MARTINEAU, foulon.
   Quelques heures plus tard, vers 9 heures, voulant rassembler le troupeau, les deux petites bergères s’aperçurent en entrant dans le champ que les brebis ne broutaient pas mais avaient la tête levée et paraissaient épouvantées. Marie s’avança vers elles et, apercevant un homme étendu, sans doute endormi, retourna vers Catherine pour l’avertir. En s’approchant, elles sentirent d’abord une grande puanteur et puis, ayant vu que les mains avaient été mangées, qu’un œil était sorti de son orbite, elles coururent, effrayées, au village. La première personne qu’elles rencontrèrent, fut la femme de COUTURIER, le maréchal-ferrant, « qui buchait du mil » et qui, suivie d’autres personnes, se rendit sur place. Des pies « vollaient et chantait auprès du mort » et les villageois avaient des difficultés à éloigner le chien « mal » de COUTURIER que les enfants avaient vu précédemment près du cadavre.
   Vu l’état dans lequel se trouvait le corps, les personnes présentes eurent un peu de difficulté à reconnaître SELIN, domestique mais aussi parsonnier de Louis BOISSELEAU, âgé d’environ 52 ans (° vers 1730), farinier au moulin à eau de Boutet, paroisse de Chaillé. Le défunt ne leur était pas inconnu car il venait quelquefois à la grand’messe au Tablier. Pierre PILLET, journalier, âgé de 56 ans (° vers 1726) - celui qui aidera à déshabiller le cadavre et à le mettre en terre - fut du groupe envoyé au bourg porter la nouvelle qui fit vite le tour des maisons.
   Jean-Baptiste Aymé CAILLAUD, avocat en parlement, sénéchal et juge au tribunal civil, criminel et de police des Châtellenies de La Gerbaudière et du Tablier, accompagné de Pierre MASSE, son commis-greffier et sergent royal, se rendit sur place et requit le sieur (Pierre) GRIMAUD, chirurgien juré au bourg du Tablier, de « visiter ledit cadavre et constater quel est son genre de mort ».
   GRIMAUD fit alors un rapport très détaillé dont on peut retenir que le malheureux fut frappé de plusieurs coups par arme contendante à la tête, à l’os pariétal gauche ; il reçut aussi plusieurs coups violents du même type d’arme dans la partie supérieure du bas-ventre et dans les « parties ». Le chirurgien releva encore de multiples coups de bâtons à l’épaule droite, sur le dos, à la cuisse et à la jambe gauche. Enfin il nota que les deux mains et partie des bras avaient été mangées et que la mort devait remonter à environ 48 heures.
   De son côté, CAILLAUD nota, après avoir décrit l’habillement du défunt, que l’on découvrit dans les poches de sa veste deux petits morceaux de pain et un bout de gras de viande - gros comme le pouce - enveloppé dans un papier ; dans les poches de sa culotte, il y avait « deux écus de six livres pièces, deux écus de trois livres et seize sols deniers en liards ». Une pièce de vingt quatre sols fut trouvée ensuite sous le corps quand on le déshabilla.          
   CAILLAUD termina de rédiger son procès-verbal vers 20 heures et le transmit, signé de MASSE et de GRIMAUD, à (Jérôme) AULNEAU, procureur fiscal de la cour qui, le lendemain, 23 juin, lui demandait d’assigner les témoins de cette affaire. Leurs déclarations permettent ainsi de savoir que SELIN arriva chez Louis BOISSELEAU le mardi soir. Il y mangea puis se coucha. Le « lendemain matin, jeudy », après s’être levé « il arrangea une pochée de blé pour faire moudre » sans doute avant six heures car après cette heure là, il partit, monté sur son mulet, emportant deux sacs destinés au blé qu’il devait prendre chez M. LANOUE, fermier à La Riboullerie de Rosnay.
   Le jeudi, vers 10 heures, Etienne MARIONNEAU, âgé d’environ 50 ans (° vers 1732), farinier au moulin des Planches au Tablier, trouve sur le chemin de La Grassonnière à Rosnay, sur le bord de la pièce de terre où sera retrouvé le cadavre, un mulet qu’il reconnaît comme étant celui de CELIN et qui a « le mors à la bouche et les raines pendantes ». Pensant que la bête a renversé sa pochée et que CELIN est affairé à ramasser le blé, il attache le mulet « à la croizé de la Grassonnière joignant le chemin qui conduit aux Planches ». Vers 16 heures, MARIONNEAU « étant retourné pour achever de biner une vigne qu’il a dans le canton » retrouve le mulet attaché où il l’avait laissé. Craignant que SELIN se soit « amuzé à boire quelque part », il détache l’animal et l’emmène afin de lui remettre. En chemin, il rencontre la fille de BOISSELEAU qui lui dit qu’il peut le lâcher, qu’il se rendra seul à son écurie, ce qui fut le cas.
  On n’en sait pas plus sur les suites de cette enquête à défaut de documents.
  On ne connait pas le prénom de la victime à qui quelqu’un en voulait sans doute mais pas pour son argent.     

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